Cela fait maintenant plus de 5 ans que j’ai quitté les bancs de l’école. Et après 7 ans en école d’art (lycée + école spécialisée) je pense que j’ai assez de recul maintenant pour vous donner quelques conseils que j’aurais aimé recevoir à mon entrée.
Afin de re-situer le contexte, je vais devoir parler un peu de mon propre parcours scolaire… vous avez le droit de sauter cette partie ;p
J’ai commencé à 15 ans par un lycée STI Arts Appliqués (nouvellement renommé STD2A : science et technologies du design et des arts appliqués) à Paris 6ᵉ dans l’institut Sainte Geneviève.
Je peux vous dire que choc a été assez violent… je débarquais de mon petit collège de campagne du sud de la France pour la belle et grande capitale. Outre le choc de quitter ma cambrousse, le niveau exigé n’était pas DU TOUT le même.
D’un niveau scolaire moyen ++ je suis passée d’un niveau à peine passable.
Je m’en suis finalement sortie avec mon bac en poche, mention assez bien, pour ensuite rejoindre l’école Emile Cohl sur Lyon, qui prépare en 4 ans au métier d’illustrateur spécialisé dans la BD, l’animation ou le Jeu Vidéo.
De manière générale et même si on a tous des hauts et des bas pendant cette période de notre vie, je dirais que j’ai relativement bien vécu ces années d’études. On peut même dire que j’en suis un peu mélancolique et j’ai même quelques regrets. C’est pourquoi j’aimerais partager avec vous ces quelques conseils que j’aurais aimé que l’on me donne à l’époque.
On se pose souvent pas mal de questions avant et après avoir intégrer une école d’art… Ce métier est-il vraiment fait pour moi ? Est-ce que je ne ferais pas mieux d’abandonner tout de suite ? Mais avant de renoncer ou d’arrêter à sa formation artistique, prenez le temps de lire mon témoignage et quelques conseils pour survivre en école d’art !
Mon expérience en école d’art
En ce qui me concerne, avant de rentrer en école d’art, j’ai d’abord intégré un lycée spécialisé dans les arts appliqués à Paris. Ce fut une année très stressante pour moi, le soutien de mes amis et de ma famille m’a vraiment été d’une aide précieuse.
Lorsque j’ai pu intégrer Émile Cohl à Lyon, ma difficile expérience parisienne m’avait déjà bien préparée. Dans cette école, la concurrence est permanente : Les derniers de la promo sont exclus d’une année sur l’autre. Un climat plutôt difficile à gérer si l’on est assez sensible !
Pour ne pas trop subir cette pression constante, j’ai développé ma stratégie personnelle pour survivre en école d’art : Voici mes 5 conseils pour profiter au maximum de tous les enseignements et rentabiliser au mieux le prix de l’école, sans toutefois risquer le burn-out.
1. Ne vous souciez pas trop des notes
Qu’on mette les choses au clair : aucun client ne vous demandera votre carnet de notes.
Finalement, seul votre book compte.
Alors ne vous accrochez pas trop à ces chiffres.
Ils ne servent qu’à vous permettre de juger de votre niveau, vous motiver, mais aussi vous rappeler que vous êtes en concurrence avec les autres élèves. Ce n’est pas totalement inutile, mais ces chiffres ne sont que des chiffres.
Rappelez-vous que vous payez une formation. Les notes et le classement ne sont là que pour faire le tri. Une fois que l’on est dans la moyenne et que l’on passe d’une année sur l’autre, il ne faut plus s’en soucier !
S’il n’y a pas de problème financier, il faut continuer et aller jusqu’au bout, quitte à lever le pied pour ne pas faire de burn-out. Il faut prendre tout ce qu’on a à prendre. Se former avec toutes les possibilités que nous offre le cadre scolaire.
Et en cas d’échec, il ne faut pas dramatiser ! Personne ne vous demandera votre diplôme dans le monde professionnel, et encore moins votre bulletin de notes.
Si vous devez vraiment vous concentrer sur quelque chose, c’est sur ce que vous comprenez des cours qui vous sont dispensés.
Si vos notes vous permettent de passer l’année prochaine et d’avoir votre diplôme, parfait. Ce qui m’amène à mon prochain point.
2. Prenez des risques
La sentence de la note nous pousse souvent à faire les choses que l’on sait faire.
Or vous êtes à l’école pour apprendre, non ?
J’ai connu de nombreuses personnes rentrer à Emile Cohl avec un style à 18 ans et ressortir 4 ans plus tard avec pratiquement le même style. À quoi bon avoir dépensé plus de 40 000€ la formation ?
Utilisez donc ces quelques années pour tester de nouvelles choses.
Au pire des cas vous n’aurez pas une bonne note, et dans le meilleur des cas vous vous découvrirez une nouvelle technique !
Une fois arrivée dans le milieu professionnel, les contraintes de temps et d’argent vous empêcheront de faire ces expérimentations. C’est donc maintenant ou jamais.
3. Oser tester de nouvelles choses pendant votre formation artistique
Si vous êtes dans une situation où vos notes suffisent pour passer d’une année sur l’autre, je vous conseille de ne pas vous acharner à obtenir la meilleure note possible absolument partout.
En vous permettant de lever le pied, vous pourrez trouver le temps d’oser tester de nouvelles choses. Le cadre scolaire vous laisse l’occasion de tout expérimenter et de progresser. Vous n’en aurez pas le temps dans le monde professionnel où il faudra savoir faire du mieux possible avec vos acquis !
N’oubliez pas que vous êtes là pour vous former, pour apprendre des choses, et pas pour avoir de bonnes notes. Contrairement à la technique, les notes ne vous serviront plus à rien dans quelques années !
4. Faites un maximum de rencontres
Une fois sortie de l’école, vous risquez de travailler en freelance. Comprenez : travailler enfermé chez soi. Et je peux vous le dire en connaissance de causes : travailler chez soi n’est pas toujours rose. (j’en fais même des rimes) Outre le fait qu’il est difficile de s’améliorer sans communauté pour nous donner un avis extérieur, il me semble indispensable d’avoir une vie sociale, non ? Une fois freelance, cette vie sociale risque d’en prendre un coup alors faites-vous autant d’amis que possible tant que c’est encore facile. Vous verrez que plus tard, ce sera bien plus compliqué 😉
Si vous souhaitez d’ailleurs rejoindre une communauté de dessinateurs en devenir, je vous conseille de rejoindre le groupe Facebook du Carnet Digital !
5. Partagez vos dessins, mais pas que !
Surtout, ne voyez pas les autres comme de potentiels concurrents. Au contraire, plus vous vous entraiderez, plus vous irez loin ensemble. Certes vous ferez peut-être le même métier mais :
– Vous ne produisez pas les mêmes images
– Vous ne travaillerez pas tous dans le même domaine (BD, animation, JV etc…)
– Cela n’est pas qu’une histoire de productions.
Au contraire, un ami d’école pourrait penser à vous des années plus tard pour tel ou tel projet.
De manière générale donnez pour recevoir.
2. Privilégiez ce qui est important pour votre apprentissage du dessin
Toujours dans la situation où vous passez facilement d’une année sur l’autre, je vous conseille de privilégier certaines matières.
Par exemple, si vous êtes spécialisé en dessin traditionnel, n’allez surtout pas sécher la 3D ! Vous devez faire le tri intelligemment pour passer davantage de temps là où vous êtes le plus en difficulté.
Servez-vous des exercices pour expérimenter des choses que vous ne maîtrisez pas bien. Peu importe si vous n’obtenez pas la meilleure note possible, l’important de tirer le maximum de bénéfices des enseignements !
6. Gérez votre temps
Il est très important de garder à l’esprit que le temps passé sur un dessin n’est pas proportionnel à sa qualité et à la note obtenue.
Tout se joue dans les 3 premières heures. Rien ne sert de passer 10 heures sur un détail si c’est votre composition qui ne fonctionne pas à la base. Et ce n’est pas parce que l’on y passera plus de temps que l’on va gagner en qualité.
Sauf si vous prenez plaisir à peaufiner un projet qui vous tient tout particulièrement à cœur, ne perdez pas trop de temps sur de petits détails… surtout si c’est contre des heures de sommeil, ce qui m’amène au prochain point.
7. Burn-out et dessin
Certes, c’est plus facile à dire qu’à faire. On a tous tendance à se laisser un peu aller pendant cette période. Notre santé ou notre apparence n’étant pas notre priorité.
On peut même en arriver au burn-out et être totalement dégoutée du dessin.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivée à une lectrice du blog. J’en parle dans ce podcast.
J’ai toujours d’ailleurs été émerveillée de croiser des anciens élèves pendant que j’étais moi-même encore scolarisée.
Ils étaient TOUS beaucoup plus beaux et sains qu’à l’époque où je les croisais dans les couloirs de l’école.
Malgré tout, faites attention à vous. J’ai rencontré de nombreuses personnes qui ont dû arrêter l’école pour soucis de santé mentale ou physique.
Alors, autorisez-vous parfois des trêves et ne vous mettez pas trop la pression.
Prenez garde à votre alimentation et à vos heures de sommeil. Certes, certains sacrifices sont faits de bon cœur, mais il ne faut pas s’oublier pour autant.
C’est le bien-être sur le long terme qui nous permettra de tirer le meilleur de notre apprentissage en école d’art 🙂
8. Ne faites pas le rebel
Si vous êtes dans cette école géniale à 8 000€/l’année, c’est parce que vous l’avez voulus, n’est-ce pas ?
Alors ne remettez pas toujours tout le système en cause. Oui certaines écoles abusent, oui certains profs ne sont pas compétents où sont injustes.
Mais est-ce que ça vaut vraiment le coup de se rebeller ?
Vous avez surement payé cher votre formation. Alors prenez un maximum ce que vous pouvez prendre et laissez le reste. Sinon, vous perdrez de l’énergie inutilement.
Je me souviens avoir eu un cours de scénario avec un professeur très connu. Le cours était axé pour de l’animation, du film ou de la BD et était extrêmement intéressant.
Ce professeur n’y connaissait visiblement pas grand-chose en Jeu vidéo, mais ce n’étais pas très important, car ses préceptes étaient facilement applicables au jeu vidéo (domaine dans lequel je souhaitais évoluer).
Un jour lors d’un cours, je l’entendis dire à un élève travaillant sur son Jeu Vidéo : “De toute façon, tu travailles sur du jeu vidéo. Il n’y a pas besoin de scénario pour un jeu vidéo“.
J’étais choquée. Il n’y connaissait rien, n’avait sûrement pas joué à un jeu vidéo à part un Candy Crush et se permettait d’apporter son jugement biaisé.
Impulsivement, j’ai quitté la salle de cours puis suis rentrée chez moi pour travailler. À quoi bon participer à un cours où le professeur dénigrait complètement le média dans lequel je me prédestinais ?
Je l’ai très vite regretté. Certes ce professeur n’y connaissait pas grand-chose, mais j’avais encore bien des choses à apprendre de lui. Dans l’histoire, c’étaitmoi la perdante. Et ces heures séché ne seront jamais rattrapable à moins de participer à l’une de ces conférences à 200 € l’entrée.
Tout ça pour dire, ne jouez pas les rebelles. Parce que dans l’histoire, c’est surtout vous le perdant.
9. Profitez
On dirait un peu votre vieille tante, mais ce serait le meilleur conseil que je puisse vous donner. Ces quelques années passent plus vite qu’on ne le croit. Et cette émulsion, ces amis, cette motivation débordante, vous risquez de la sentir s’atténuer au fil des années.
Ce climat-là, il est très très dur de le garder alors profitez-en.
Je conclurai en disant que, pour survivre en école d’art, il faut s’investir dans l’apprentissage, et non pas s’investir dans les notes. Il ne faut surtout pas faire une croix sur notre formation artistique tant que cela reste notre passion.
Mais si l’école d’art ne te semble définitivement pas faite pour toi, n’hésite pas à t’intéresser aux formations en ligne, comme celle que je propose pour apprendre le dessin d’observation !
Apprendre le Dessin d'Observation
La méthode pour maîtriser rapidement et efficacement les fondamentaux du Dessin d’Observation. Il y a de grandes chances que ce soit par cette formation que vous devriez commencer.
Coucou Scendre,
J’ai une question pour toi (même si la dernière réponse remonte à il y a 5 ans…).
Vu qu’Emile Cohl fait partie de ces écoles qui n’ont pas de limite d’âge, est-ce que dans ton souvenir il y a quelques gens plus vieux ? C’est dur de se projeter dans 5 ans d’études à 28 ans (quand on en a déjà fait 5), et le financement fait flipper, mais en même temps ça m’attire tellement que je me renseigne sérieusement.
Certaines écoles m’ont dit qu’elles ne prenaient plus d’élèves plus agés, parce qu’ils ont pu constater que le décalage avec les bacheliers était souvent trop difficile à vivre sur plusieurs années. Je me demande du coup si des écoles comme Emile Cohl ont une population plus diverse en termes d’âge.
Merci si tu me lis 😉
De mémoire ça allait jusqu’à 30 ans, voir une des élèves en avait 40.
Donc je pense pas que ce ça soit un problème ☺️
Bonjour ,cette école fait clairement rêver ,mais comment faire pour payer autant par an ? 8000 € ? C’est dingue ! Une bourse ? Où il faut travailler à côté ?les heures de cours le permettent elles ? Merci de m’aiguiller sur cette aspect pas très glamour mais vital !
Concernant Emile Cohl, il me semble qu’il est possible de demander une bourse, mais il faut rentrer dans certains critères spéciaux…. je me demande d’ailleurs si ce n’est pas en fonction du bulletin de note des 3 années précédentes ?
En toute honnêteté, je n’en ai aucune idée… Je sais que pas mal de mes amis ont dû faire un crédit, et beaucoup d’entre eux ont à peine finis de rembourser leur crédit cette année (je suis sortie en 2012 et nous sommes en 2017…)
Certains travaillent à côté, les weekends. Dans les premières années ça peut se faire, mais ça devient très vite compliqué à gérer. Personnellement je ne le conseille pas… mais si on a pas le choix…
Il existe évidemment d’autres écoles, sûrement moins cher, cependant, c’est comme tout, une énorme sélection est faites à l’entrée. Mais ça se tente !
J’ajouterai : profitez au max de votre formation. Défoncez-vous ! D’expérience, je vois beaucoup d’élèves qui se comportent en touristes (ce n’est peut-être pas le cas à Cohl) et je l’étais moi-même. Vous avez la chance d’avoir du temps et le cadre pour apprendre, c’est le moment où jamais de ne pas faire juste le strict minimum pour passer l’année au dessus.
Étant prof de bande dessinée depuis onze ans dans cette école, je me permets de rajouter le conseil suivant : sollicitez vos profs ! Même si vous êtes timide, même si le prof vous fiche la trouille (je sais que je fais un peu peur à certains ou certaines parfois), faites lui un coucou pour lui demander un avis, des conseils, c’est toujours profitable.
C’est vrai que quand on est étudiant on sent qu’on a pas encore trop de légitimité a tellement discuter avec les profs… en tout cas je parle de ma propre expérience. Je sais que j’ai beaucoup plus parlé avec Marc Dutriez une fois sortie de l’école et une fois me sentant légitime à parler du métier. C’est un peu concon comme réaction mais je crois que c’est comme ça que l’école (pas seulement Cohl) m’a conditionné.
Bon conseil en effet Olivier !